Je suis qui tu aimes

Je suis qui tu aimes

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Amour, PhiloSex

16 Feb 21

Miroir, Oh Miroir dis-moi qui est la plus belle…
J’aime cet éclat de moi qui scintille dans tes yeux.
Vous avez dit Narcisse ? C’est moi que je vois ? Ou moi dans toi ? Ou ton amour, mon-amour-propre-à-toi ?

L’intervention de mon fils de seize ans m’a interpellée : “C’est les filles, toutes les mêmes, elles matchent et commencent une conversation, se laissent draguer et tout, pour obtenir de l’attention, mais après y’a plus personne” 😳
Plutôt surprenant venant d’une génération qu’on pensait égalitaire… le fameux adage selon lequel les filles donnent du sexe pour obtenir de l’amour et les garçons donnent de l’amour pour obtenir du sexe serait-il justifié ? Ça me peine de le croire, mais admettons.
Donc en tant que “fille” (entendez-là quiconque dont la part féminine serait plus riche que la part masculine), touchée, désireuse, voire nourrie de l’attention qu’on me porte, je me sens bien quand je la reçois.
Par opposition, la refuser me coûte : comment ne pas me laisser charmer par cette magnifique tarte aux fruits rouges que je vois à chaque fois que je passe devant la boulangerie ? Mais… All good things in life get you drunk, fat or pregnant, alors, il y a-t-il corollaire à l’ivresse de la séduction ?

Il est tentant de me nourrir de ces attentions passant sous silence leur prix à payer, leur corollaire éventuel dans un esprit plus intéressé. Mais devrait-il y avoir corollaire ? Ne pourrait-on pas imaginer un échange d’attentions purement platoniques ? Une cour absolue ?
Il faudrait pour cela pouvoir dissocier la flatterie des sentiments, du sexe, ou de toute autre suite souhaitée d’une relation. Mais il me semble que c’est culturellement impossible : les compliments sont l’ingrédient majeur de la cour, qui est elle-même préexistante à toutes nos relations. Et elle est tellement invitante cette cour, si délicieuse en soi, au-delà même du corollaire, que c’est mon existence même dans le regard de l’autre qui se joue.
N’existe-t-on que dans le regard de l’autre ? Si je refuse ce miroir, ou si l’autre me le refuse, est-ce que je disparais ?

Je disparais un peu. Comme dans Coco, le film de Pixar, où les défunts vivent longtemps au pays des morts joyeux tant qu’il y a quelqu’un au pays des vivants pour se rappeler à leur bon souvenir.
C’est là qu’il nous faut réussir à dépasser l’amour conditionnel que nous avons reçu et qui gère encore notre siècle. Entendez par là le “Je t’aime si, ou parce que”. La course aux résultats, la permanente évaluation dont notre équilibre fait trop souvent les frais nous pousse sans cesse à remettre en question notre propre estime, notre valeur absolue d’être humain, notre droit à être qui que ce soit, de quelque manière que ce soit. Cet amour inconditionnel est terrible car il nous mine jusque dans nos relations quand on s’estompe dans la recherche éperdue de la validation de l’autre qui seul nous permettrait d’assurer notre stabilité. À la quête de notre “moitié d’orange”, comme s’il était suggéré qu’on ne se suffit pas à soi-même, qu’il faut forcément un autre qui nous regarde avec assez d’intensité pour nous permettre d’exister pleinement.
Du coup je suis aussi responsable de l’autre : si je lui retire mon affection il lui manquera un morceau, une confiance, une stabilité… Je ne peux quand même pas lui faire ça !!
Donc clairement, je préfère être celle que tu aimes.


Ils en parlent :

Les nourritures affectives- Boris Cyrulnick

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